dimanche 1 mars 2009

Les origines

Il faut écarter la responsabilité psychologique dans l’apparition de l’autisme. Pendant longtemps on a culpabilisé les parents des jeunes autistes et en particulier la mère d’être la cause de ce handicap. Elles étaient accusées de ne pas donner assez d’amour et d’attention à l'enfant. On les appelait “mères réfrigérateurs”. Cette hypothèse a été rejetée depuis. L'autisme n'est pas le résultat de soins parentaux inadéquats ni de mauvais traitements.

Si l’on ne connaît toujours pas la cause exacte de ce trouble, de nombreuses hypothèses s'affrontent. Or, nous sommes certains de son origine multifactorielle.
Les recherches actuelles se concentrent sur deux principaux axes d’études. Le premier porte sur la génétique, le second sur l’origine environnementale.


La piste génétique a été suggérée pour la première fois par Hans Asperger qui avait remarqué des traces de caractéristiques du syndrome autistique chez les parents

Plusieurs progrès ont été faits au cour de ces dix dernières années. On sait
aujourd’hui que le risque pour un enfant autiste d’avoir un frère ou une sœur également atteint est 45 fois supérieur à celui de la population générale. Des études épidémiologiques faites sur des jumeaux monozygotes ou dizygotes montrent que les premiers « vrais jumeaux » ont 60 à 80% de chance de développer le trouble lorsque l’un d’eux est touché. En revanche, ce risque est inférieur à 10% pour les « faux jumeaux ». Par ailleurs les statistiques montrent que les garçons sont quatre fois plus touchés par l’autisme que les filles. Plusieurs des anomalies répertoriées touchent le chromosome X, ce qui expliquerait la différence de prédisposition entre filles et garçons.
Tout cela confirme donc la forte contribution génétique


Le fait que les jumeaux monozygotes n’aient pas exactement le même risque d’être atteints implique l’existence de facteurs non génétiques participant à l’apparition de l’autisme. Enfin, la faible concordance observée chez les
« faux jumeaux » suggère que ce syndrome soit dû à l’interaction de plusieurs gènes. On estime que leur nombre varie de 3 à 25.

On fait la distinction entre
autisme syndromique (15% des cas) et autisme non-syndromique (85% des cas).

#L'autisme syndromique s'associe à des maladies génétiques connues telles que l'X fragile (anomalie la plus fréquente du gène FMR1, associée au syndrome d’Asperger entre autres), le syndrome de Rett (MECP2), le syndrome de Timothy (gèneCACNA1C) , la Sclérose tubéreuse de Bourneville (gèneTSC1/2), ou encore la neurofibromatose (gèneNF1). La présence de tels gènes augmente le risque d’avoir un enfant atteint d'autisme.

Les chercheurs pensent que le point crucial de susceptibilité à l’autisme est le niveau d’excitation ou d’inhibition du réseau neuronal.
Cette balance entre glutamate (
neurotransmetteur excitateur des neurones le plus répandu dans le système nerveux central et qui est soupçonné de jouer un rôle dans les fonctions cérébrales d'apprentissage et de mémorisation) et GABA (principal neurotransmetteur inhibiteur à l'âge adulte dans la même région encéphalique mais qui est excitateur lors du développement embryonnaire de l'Homme) est probablement altérée chez les jeunes autistes. En effet, nous savons qu'une telle chose peut causer des crises d’épilepsie or ces crises sont présentes chez 50% des jeunes autistes.

#L’autisme non-syndromique se définit par un autisme "pur". Il n'est lié à aucune maladie génétique ni signes cliniques associés. Cette catégorie majoritaire regroupe :

- des mutations (NLGN3/4,SHANK3)

Nous n’avons pas, à ce jour, identifié le vecteur de transmission du syndrome, mais nous savons que les chromosomes de certains gènes sont impliqués en particuliers ceux de la synaptogénèse et plus récemment ceux des oscillateurs circadiens.
En effet, les chercheurs ont découvert les mutations de gènes situés sur le bras court du chromosome X. Ces gènes, localisés à la membrane des synapses sur la partie post synaptiques se nomment NLGN3 et NLGN4 et codent les neuroligines, des protéines dont la fonction est de maintenir et former les synapses. NLGN4 subit une délétion qui tronque la protéine à moitié. Beaucoup plus courte que la protéine normale, elle devient alors incapable de gagner sa localisation. NLGN3 se voit substitué un de ses acides aminés (une arginine remplacée par une cystéine) ce qui a pour conséquence de détériorer la protéine.
Dans l'autisme, les mutations fortes sont extrêmement rares et semblent, chez les garçons, toujours aboutir à un phénotype cognitif.
Dans chaque études de mutation de NLGN4 on observe soit un retard mental soit un cas d'autisme, syndrome d'Asperger compris.

La mutation du gène SHANK3 sur le chromosome 22q13 est de nature forte elle aussi.
Elle a été découvert
e à la suite de NLGN3/4 alors que l’on cherchait d’autres gènes codant pour des protéines d’échafaudage de la synapse. On s’y est intéressé car il était délété chez certaines personnes avec autisme et aucune acquisition du langage.
SHANK3 joue un rôle fondamental dans la formation et le fonctionnement des dendrites. Là aussi, les mutations du gène perturbent la communication inter-neuronale, par cassure de la protéine.
On s’est aperçu que le gène définissait à lui seul l’acquisition du langage. Une étude relevait ces deux cas tout à fait particuliers : le premier concernait un individu touché par un autisme très lourd. Complètement privé du gène en question il n’a jamais pu apprendre à parler. Le second, un Asperger, possédait 3 copies de SHANK3. Il a acquis le langage de façon extrêmement précoce, cela avec un vocabulaire très riche

Les gènes modulateurs sont sûrement en cause dans l’autisme car on sait que le taux de sérotonine est extrêmement élevé chez ces enfants et des résultats récents montrent qu’ils possèdent des taux de mélatonine plus bas que la moyenne.
La mélatonine sert à resynchroniser les oscillateurs esclaves (horloge biologique que possèdent tous les organes). Hors, 80% des enfant autistes ont des troubles du sommeil. On ignore si c’est le fait d’avoir un taux bas de mélatonine qui donne une vulnérabilité à l’autisme ou si c’est l’autisme qui fait baisser ce taux.
Les taux mélatonine/sérotonine ont été retrouvés assez semblables chez les parents ce qui indique une potentialité héréditaire. Donner de la mélatonine à des jeunes autistes à amélioré leur rythme de sommeil or l’on sait que les autistes bons dormeurs ont moins de problèmes affectifs.
Une étude révèle que la mélatonine chez le zébrafish supprime certaines portions de mémoire pendant le sommeil. Ce pourrait-il alors que l’hypermémoire dont sont dotés de nombreux autistes soit du à la perturbation de l’oscillation mélatonine/sérotonine ?
La mesure de l’activité enzymatique des protéines responsables de la production de mélatonine révèle qu’elle est déficitaire chez 70% des patients, déficit partagé chez les frères et sœurs en grande majorité. On accuse la responsabilité d’une mutation stop, impliquée dans l’autisme et qui toucherait le gène codant pour l’enzyme. L’activité de la protéine serait alors réduite ce qui causerait la réduction le taux de mélatonine.

- des réarrangements chromosomiques (chromosomes 7q, 9q, 15q, 22q13)

Les régions chromosomiques les plus probablement liées à la prédisposition à l’autisme ont été localisés sur le bras long du chromosome 7. Dans cette région, le gène RELN code pour la protéine reeline qui a un rôle clé dans le développement des structures cérébrales laminaires (comme le cortex cérébral ou le cervelet) tandis que le gène WINT2 est impliqué dans la mise en place du système nerveux central.
L'on a remarqué que la
duplication du chromosome 15 est un variant assez commun chez les autistes mais l'on ignore quels sont les gènes impliqués dans la transmission du syndrome.

- et des gènes candidats

Très vaste, cette catégorie regroupe toutes les suppositions émises par les chercheurs qui n'ont pas encore pu être vérifiées
.


On pratique plusieurs méthodes de recherches :

-On recherche des gènes associés à des maladies dont on connaît la cause et qui sont parfois diagnostiqués chez les autistes.

-On cherche des mutations dans les gènes dont on suppose qu’une anomalie pourrait entraîner l’un des symptômes de l’autisme.
Jusqu’à présent aucun gène candidat sérieux n’a pu être identifié par cette démarche. En cause, la très grande
hétérogénéité génétique et phénotypique du syndrome autistique.


-Une autre démarche assez
récente consiste à recueillir l’ADN (Acide Désoxyribonucléique) des personnes autistes dans des banques génétiques à grande échelle afin d’en faire la comparaison. On recherche alors les allèles communs puis on quantifie pour chaque région du génome la proportion de gènes partagés par les autistes. On espère ainsi trouver les régions de spécificité du syndrome. L'exemple le plus récent de ce type d'organisation est celui de la banque internationale "Autism Genome Project Consortium". Les génomes de mille cent soixante-huit familles multiplex (familles ayant plus d'un enfant touché par les troubles autistiques) ont été étudiés. Il a regroupé les principaux groupes de recherche sur l'autisme, réunissant pour la première fois des équipes canadienne, anglaise, américaine, française et suédoise.



C’est aussi depuis 10 ans que l’on évoque des facteurs de risque environnementaux sans toutefois que leur implication n’ait été démontrée.

On parle notamment des expositions de l'enfant pendant la petite enfance ou de la mère pendant la grossesse à des toxines, à des champs électromagnétiques, au phénomène de la pollution , à des pesticides, à des dioxines, ou encore à l'utilisation abusive d’antibiotiques.
Ces pistes sont les résultantes, pour la plupart, d'une corrélation hâtive entre leur forte augmentation et la croissance parallèle du taux d'autisme qui de 5 pour dix mille en 1966 a atteint l'estimation actuelle de 1 pour 166. Cette augmentation spectaculaire est fort discutable en vérité. En effet, bien qu'elle découle d'études sérieuses et plurielles, les praticiens n'ont repéré pendant longtemps que les manifestations les plus lourdes du trouble. Avec l'apparition plus tardive du concept de trouble envahissant du développement, un nombre considérable d'enfants diagnostiqués sous d'autres étiquettes (troubles du langage, psychose infantile, états dysharmoniques, retard du développement) s'est retrouvé ainsi placé dans le vaste éventail des troubles autistiques. Les connaissances sur l'autisme se sont aussi élargies et diffusées durant ces années, améliorant le diagnostique. Par ailleurs, depuis que ce dernier donne accès à des aides sociales on observe un phénomène inverse qui pousse les médecins à l’utilisation excessive du terme. Il est par conséquent impératif de rester prudent qu’en aux conclusions. De nombreuses études devront encore être menées avant de pouvoir affirmer quoi que ce soit, les causes environnementales étant particulièrement difficiles à étudier du fait des multiples influences extérieures pouvant entrer en jeu.
Des difficultés à l’accouchement sont par ailleurs mises en causes désormais car l’on s’est aperçu que de nombreux enfants qui portent le syndrome en ont été victimes.
Une étude portant sur les naissances prématurées a aussi noté que parmi ces bébés, 25% présentaient des signes d’autisme. Les enfants étaient proportionnellement plus petits et les mères, relativement plus âgées.

La compréhension de l’autisme est donc d’autant plus difficile qu’il se présente de façon très hétérogène, tant génétiquement que de façon phénotypique ou symptomatique.